Le Passage, Édition 1

Aurélie Masset, Pissenlit

Résidence Bellevue, bâtiment A1, Félix Pyat, 13003 Marseille

2020

Dans le cadre du projet « Le Passage, un parcours d’expériences » développé en 2019 et qui lie insertion et art ; Aurélie Masset, artiste de l’atelier Méta, a conçu et réalisé une fresque monumentale « le pissenlit », qui a pris place sur le pignon A1 de la cité Bellevue à Félix Pyat.

La démarche artistique du projet « le passage » a questionné la ville dans son ensemble et convoqué son histoire et son passé afin d’imaginer son futur. Les thématiques suivantes ont guidé tout au long du processus la recherche : ville-passage-transformation et imagination. Tout comme dans la réflexion de Walter Benjamin au sein de son œuvre « Paris, capitale du XIXe siècle : le livre des passages » L’imagination est « la « faculté » par excellence du passage. C’est-à-dire de la déformation, toujours réversible, entre forme et matière, contenant et contenu ».

Selon lui, « Chaque époque rêve la suivante », ainsi l’ancienne et la nouvelle ville sont deux réalités que tout oppose mais elles ont en commun d’être des lieux de passage qui, de ce fait, permettent à la faculté humaine de s’épanouir : l’imagination.

L’enjeu du projet a été de favoriser l’intelligence collective au service de la création artistique dans une démarche participative selon un questionnement que soutient Joëlle Zask dans son livre Participer. Essai sur les formes démocratiques de la participation, à savoir « comment la démocratie s’incarne socialement, politiquement et culturellement dans la participation conçue comme la combinaison entre prendre part, contribuer et bénéficier. » L’auteure soutient en effet la thèse selon laquelle l’étude des conditions de la participation revient à s’interroger sur la production sociale des conditions de l’individuation. La combinaison des trois temps de la participation assure aux individus de réaliser leur individualité, alors que leur séparation est source d’injustice.

La fresque ainsi réalisée s’extrait des lieux de l’art et de ses formes traditionnelles pour interagir sur un environnement social, géographique, politique et esthétique singulier. Le positionnement de l’œuvre au cœur d’un projet de rénovation urbaine (programmes immobiliers neufs, création d’un futur parc public métropolitain, aménagements des espaces publics, etc) s’inscrit dans un processus sensible, en lien direct avec le réel et ses évolutions. La réflexion a porté sur l’interaction entre le passé et le futur dans un espace commun en pleine mutation. Cette approche permissive est empreinte de dynamisme citoyen : pour l’artiste Aurélie Masset, l’art dans son regard critique sur la société est un espace de liberté, de contestation et de créativité qui construit dans la ville un nouveau lieu d’utopie.

L’œuvre :

La fresque est composée d’une fleur éclose jaune et d’une fleur à maturité : boule blanche/grise cotonneuse, dont quelques aigrettes s’envolent pour simuler la dispersion des graines aux alentours et enfin de plusieurs feuilles à sa base. Cette fresque évoque les thématiques suivantes : les migrations, la transformation urbaine et la culture.

Les migrations sont représentées par les pappus qui s’envolent symbolisant les différents flux migratoires, historiques et présents, de la ville dans ce quartier portuaire, témoin de ces différents passages. La transformation urbaine passée, présente et future est suggérée par les stades de maturité de la fleur et évoque la naissance de ce parc métropolitain. La fleur jaune : état du passé ; la boule blanche/grise : le présent ; enfin, les pappus qui s’envolent : l’avenir, les vœux.

La culture, quant à elle, est ici induite par les notions de transmission, connaissance et résistance.

En effet, le pissenlit, de son nom latin taraxacum officinale signifiant « je trouble, j’agite », de son surnom « dent de lion » est une plante commune dans de nombreuses parties du monde. Souvent associée à de la mauvaise herbe, elle a pourtant de nombreuses vertues (antioxydant, cicratisant, dépuratif, etc.). Une citation de Ralph Waldo Emmerson, philiosophe et poète américain, illustre bien le choix de cette fleur sur la fresque « Une mauvaise herbe est une plante dont on n’a pas encore trouvé les vertues ».

Pourtant, le pissenlit, plante des trottoirs, des friches urbaines mais aussi des champs au printemps est une fleur médicinale reconnue et étudiée par les sciences pour le vol des pappus et akhènes (filaments et graines), une piste pour concevoir des drones miniatures bioinspirés qui pourraient se mouvoir dans l’air en utilisant un système léger et peu encombrant.

C’est une plante robuste, difficile à déraciner : elle symbolise ainsi la résistance.

La notion de transmission s’illustre par la capacité de cette plante à disperser ses graines à près d’un kilomètre pour s’installer ailleurs. Un ailleurs meilleur ?

Dans son histoire et sa mythologie, c’est la fleur du vœu. Qui n’a jamais soufflé sur un pissenlit à maturité pour accomplir ses rêves ? Une sorte de lampe à huile dont chaque pappus doit se détacher de la tige après avoir soufflé dessus pour permettre au vœu de se réaliser. 

Enfin, cette fleur dessinée à la fin du XIX ème siècle par Eugène Grasset, peintre de l’art nouveau, pour le dictionnaire « Larousse illustré » symbolise « la connaissance semée à tous vent ».

 
 

Partenaires :

 

Le projet

Guidés par des spécialistes (sociologues, historiens, urbanistes, etc.), chaque année huit jeunes s’emparent de connaissances pour aiguiser leur sens critique, développer leur imaginaire via des créations collectives en lien avec le maillage culturel du territoire où ils résident. Accompagnés par des artistes intervenants ces réalisations sont composées d’influences convoquant leurs cultures d’origines et co-construites par un groupe d’« apprentis », qui pilote le projet. D’autres publics sont intégrés au projet, « les initiés » : élèves, parents, habitants et adhérents extra-scolaires (11-15 ans).

Ce projet vise à impliquer les jeunes habitants de ces quartiers en difficultés dans le développement du territoire, à les aider à monter en compétences et à les accompagner dans leur projet d’avenir. C’est un véritable outil de mobilisation des jeunes habitants et usagers des quartiers alentours mais également un outil de valorisation de l’espace urbain en devenir. En ce sens, il est indissociable de la réussite et de l’appropriation par les usagers de ces nouveaux aménagements.